Dans la décarbonation de la chaleur industrielle, « les pièces du puzzle sont en train de se mettre en place », analyse Clémence de Pommereau, associate partner au sein d’E-Cube, à l’occasion de la publication d’un rapport sur le sujet ce 12 novembre consultable-ci-dessous. La thèse développée par le cabinet spécialisé dans l’énergie, les transports et la décarbonation ? Pour décarboner la chaleur industrielle, il existe des solutions « compétitives dès aujourd’hui, ou qui présentent une pertinence technico-économique à moyen terme. » Reste à accepter les temps de retour sur investissement requis.
Les TRI ne sont pas standards
« Quand on pense décarbonation de la chaleur industrielle, très naturellement, on pense aux secteurs très consommateurs en énergie avec de gros sites très émetteurs : sidérurgie, raffinerie, pétrochimie, ciment… C’est assez logique, car on y retrouve l’essentiel des émissions industrielles françaises. Mais tout un pan de l’enjeu se trouve dans des secteurs moins consommateurs et sur des sites plus diffus, comme dans l’agroalimentaire et l’industrie manufacturière », cadre Clémence de Pommereau. Comme le rappelle le rapport, parmi les paramètres en jeu, la compétitivité par rapport au gaz naturel apparait comme un point commun incontournable. Pour les sites plus petits précités, « l’équation économique se trouve entre 50 et 70€/MWh de gaz naturel. Dans cette gamme de prix, il existe un panel important de solutions : biomasse, CSR, chaleur fatale avec pompe à chaleur, chaudière électrique, solaire thermique… »
Le rapport analyse des données essentiellement de 2024 et, en matière de marchés de l’énergie, les tendances sont souvent incertaines, comme l’illustre les bas prix du gaz ces dernières semaines. Mais la difficulté aussi, pour la chaleur décarbonée, « c’est qu’il n’y a aucune standardisation », décrypte la consultante. Illustrations : dans la biomasse, l’économie des projets va dépendre de la taille de l’installation et de sa position par rapport à la ressource ; pour les chaudières électriques, le modèle d’affaires repose entre autres sur les services apportés au réseau, donc dépend du niveau de volatilité et de la rémunération accordée. Le problème ne serait donc pas tant de trouver des solutions compétitive. Mais de les standardiser pour trouver des tiers-investisseurs. « Ces projets restent de gros investissements pour les industriels, surtout dans le contexte de prudence actuel. Les temps de retour sur investissement ne correspondent pas aux trois ans standards, voire moins. On est plutôt sur sept à dix ans », pointe Clémence de Pommereau
Les fonds infrastructure restent à convaincre
Divers financeurs se sont déjà positionnés. Et l’experte de citer notamment : Kyotherm ; Sofiac, qui cherche à se positionner sur le marché français depuis 2024 ; Perfesco ; Powesco ; etc. « Il y a encore un problème de concordance entre les attentes des fonds infrastructure en termes de TRI et ce qui est requis pour ces projets », nuance-t-elle toutefois. Il faut encore aussi travailler les bons équilibres entre investissements en equity et en dette. Sans oublier le risque de contrepartie, quand on veut vendre de la chaleur à un industriel sur 10-15 ans : il rend le modèle plus complexe et pose des questions telles que l’existence d’un débouché alternatif à proximité si besoin, ne serait-ce qu’un réseau de chaleur.
Par rapport à des solutions relativement mature comme la biomasse, la diversification des solutions de décarbonation peut obliger à repenser où les marges sont réalisables, à former les équipes ou encore à revoir son organisation opérationnelle. Autant d’enjeux qui amènent E-Cube à inviter les acteurs de la filière « à collaborer, à mutualiser les compétences et à structurer des offres globales. »