Consommation d’électricité stagnante depuis 15 ans et conversion décevante des énergies fossiles vers l’électricité ont entraîné un suréquipement important de la France en centrales renouvelables intermittentes, éoliennes et solaires. Les projections à 10 ans l’admettent enfin et RTE envisage un scénario bas qui renoncerait à la technologie la plus chère : l’éolien flottant.
Depuis une décennie, des modélisations très optimistes d’augmentation de la consommation par l’électrification des usages (transport, chaleur, industrie, …) élaborées par RTE (le Réseau de Transport d’Electricité) avaient justifié les projets anticipés, massifs et subventionnés, de moyens de production électrique renouvelables et intermittents (ENRi) : Depuis 2010, ce sont 55 GW d’équipements supplémentaires, éoliennes et panneaux solaires, fonctionnant au gré du vent et du soleil, qui ont été ajoutés au parc de production historique, pilotable à la demande (total 105 GW, principalement nucléaire et hydraulique, fonctionnant pratiquement sans émission de CO2). Notons que la demande maximale annuelle (pointe annuelle, aux environs de 85 GW) est satisfaite par les seules sources pilotables, appuyées par de très courts appels à des turbines à gaz mobilisables immédiatement.
Ces investissements ENRi ont englouti des milliards d’euro et provoqué le doublement de la facture d’électricité des ménages, en l’occurrence sans utilité aucune, puisque, contrairement aux prévisions de RTE, la consommation intérieure n’a pas augmenté ! De 474 TWh en 2010, elle est descendue à 449 TWh en 2024. Les causes sont à chercher dans la désindustrialisation, le coût croissant de l’électricité facteur de sobriété, la lenteur des processus industriels de substitution de l’électricité aux énergies fossiles carbonées.
Perspectives 2035 - 2050
Le cadrage et les modélisations de RTE pour la période 2025-2035 se sont poursuivis avec la même approche : pour satisfaire ses engagements européens (net zéro CO2 en 2050) et réduire le recours multisectoriel aux énergies fossiles (transport, chaleur, industrie... ), la substitution par l’électricité reste le credo, réaffirmé dans le projet de Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC n°3), en date du 12/12 (10ème anniversaire de l’Accord de Paris), et inspirateur du projet de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3 n°3), tant évoqué depuis 2 ans, sans base législative à ce jour. Son point d’étape en 2035 apparut comme pharaonique, tant en matière de consommation intérieure (jusqu’à 640 TWh = + 42,5 %), que de puissances ENRi à mettre corrélativement encore en service (au total, triplement de la capacité ENRi existante, passage de 1,9 à 18 GW pour la part offshore) ; s’y ajoutaient de gigantesques travaux d’infrastructures publiques, en particulier sur les réseaux électriques et les aménagements portuaires. Un nouveau doublement de la facture d’électricité des ménages était à prévoir, en même temps qu’une pression croissante sur le Trésor public.
RTE ajoute un scénario optionnel dit de « décarbonation lente » (ou « rythme R1 »)
Or en cette fin 2025 et pour la première fois, RTE se rend à l’évidence de la discordance entre la stagnation réelle de la consommation d’électricité et la débauche des nouveaux moyens de production intermittente programmés. Son bilan prévisionnel 2025 [1] (BP), publié le 9 décembre, constate enfin que la France est en surcapacité structurelle de 20% et que la demande ne croît pas comme espéré… « La consommation d’électricité n’est pas alignée sur les objectifs de décarbonation » (BP §11 – p.26).
RTE avouant que ce sur-développement des ENRi coûte cher : « Car si cet excédent perdure, il faudra freiner le développement du solaire et de l’éolien afin d’éviter un « suréquipement » coûteux pour le système», un nouveau scénario ad-hoc R1, dit de « décarbonation lente », est introduit, correspondant à une hypothèse de consommation intérieure 2035 de 505 TWh – soit tout de même + 12% par rapport à 2024. Dans ce scénario, le rythme de croissance des ENRi est moins ambitieux, passant au total de 55 GW aujourd’hui à 77 GW en 2035, et pour l’offshore de 1,9 à 7 GW (au lieu de 18 initialement prévus).
R1 n’est bien sûr que le plus bas des 4 scénarios proposés aux décideurs de la PPE3, le plus élevé (dit rythme R4) restant à des niveaux maximalistes (150 GW d’ENR en 2035, dont 15 offshore).
Remarquons au passage que l’insistance mise sur la nouvelle consommation des data-centers manque de pertinence, d’abord par leur capacité relative globale très faible (quelques GW), surtout car ceux-ci demandent une alimentation constante et stable, incompatible avec un adossement aux productions renouvelables intermittentes.
Mais le postulat de RTE est que la stagnation de la consommation restera un phénomène de court terme, sans considérer la conséquence d’une électricité devenue durablement trop chère, la structure de son coût intégrant de nouveaux frais fixes liés aux ENRi (subventions, coût des infrastructures associées, perte d’optimisation du système électrique). Bien plus, ce scénario révisé R1 comporte bien d’autres contraintes majeures sur les plans industriels, économiques, budgétaires, sociaux et environnementaux, qui toutes tireront durablement vers le bas l’activité économique et la demande d’électricité.
MAIS, une petite lueur d’espoir pour certaines communes du littoral,
la porte s’ouvre à l’abandon de l’éolien flottant !
Le scénario R1 de « décarbonation lente » de RTE indique ainsi : « le rythme de développement des renouvelables peut être adapté à la baisse » (BP p.26), remettant en particulier en cause les filières les moins compétitives, dont l’éolien flottant : « Si la consommation n’augmente pas ou peu, l’optimum économique consiste (...) à investir dans les filières les plus compétitives à court terme. Le nouveau nucléaire et l’éolien flottant n’en font pas partie ».
Cette critique portée à la technologie flottante avait déjà été exprimée par François Bayrou, alors Premier ministre. Qu’elle intègre maintenant un scénario de RTE est un pas supplémentaire vers son abandon.
[1]
https://assets.rte-france.com/prod/public/2025-12/2025-12-16-bilan-previsionnel-principaux-resultats-2025.pdf