LE FIGARO
26 juillet 2025
EDF accélère dans le nouveau nucléaire
Le groupe a revu son organisation et change ses priorités : place aux six futurs réacteurs français, export et énergies renouvelables passent au second plan.
5 min • Elsa Bembaron
Tic, tac. L’heure tourne. Bernard Fontana est arrivé à la tête d’EDF le 7 mai avec une double mission, fixée par les plus hautes instances de l’État. Accélérer le programme du nouveau nucléaire français (NNF) et conclure des contrats d’approvisionnement de long terme avec les industriels les plus gourmands en électricité. Ce qui implique de réaliser quelques arbitrages dans les activités du groupe.
Bernard Fontana l’a reconnu en creux jeudi soir, lors de la présentation des résultats semestriels du groupe. Priorité au nouveau nucléaire et à l’hydraulique. La nouvelle gouvernance du groupe, dévoilée le 8 juillet, reflète parfaitement cette volonté, avec la nomination d’un maître d’œuvre (Thierry Le Mouroux), d’un maître d’ouvrage (Xavier Gruz) pour le NNF et l’intégration d’Emmanuelle Verger, directrice d’EDF Hydro, au comité exécutif du groupe. Ajouté à l’annonce d’un plan d’économie de 1 milliard d’euros sur cinq ans, le message est clair : Bernard Fontana a imposé sa patte en deux mois.
« EDF avait besoin de se recentrer. C’est un exploitant de centrale qui doit se transformer en industriel », résume un expert du secteur. Alors que le groupe misait sur la production de 1,5 à 2 réacteurs par an, notamment pour l’export, la copie est revue. EDF dispose « d’une offre de réacteur et une offre de briques technologiques », avec ses deux filiales industrielles Framatome et Arabelle Solutions, a souligné Bernard Fontana, bien décidé à pousser ses pions dans ce dernier domaine. Framatome produit notamment les cuves, pompes, moteurs et le combustible pour les réacteurs, et Arabelle, les turbines. En effet, EDF a essuyé un revers à l’export en République tchèque, se heurte à la concurrence américaine en Pologne, mais entend bien maintenir, voire augmenter ses positions dans la production d’équipements et la fourniture de combustibles. Une façon de remplir les carnets de commandes des usines tout en tenant le cap fixé pour les EPR 2. À savoir : une première mise en service de celui de Penly (Seine-Maritime) au plus tard en 2038.
Bernard Fontana s’en tient à ses objectifs. Le devis et le calendrier seront donnés « d’ici la fin de l’année ». Le montant de la facture pour les six EPR 2 fait l’objet de nombreuses spéculations. La question est de savoir s’il sera supérieur ou inférieur à 70 milliards d’euros. La chasse aux gains d’efficacité est ouverte, avec la volonté du nouveau patron d’accélérer les processus de décision. La compétitivité du nouveau nucléaire par rapport à d’autres moyens de production, dont les renouvelables et les centrales à gaz, en dépend. « Notre électricité est la moins chère d’Europe et la plus décarbonée », a pris soin de rappeler Bernard Fontana. Charge à lui de maintenir cet avantage. Cela passe aussi par le parc existant.
Au cours des six premiers mois de l’année, la production a augmenté de 4,4 térawattheures (TWh), à 181,8 TWh. Signe de la poursuite de la reprise en main, après la grave crise de la corrosion sous contrainte en 2022. La production hydraulique est, elle, en repli, du fait de conditions climatiques moins favorables qu’en 2024. L’hydroélectricité fait clairement partie des priorités de Bernard Fontana, mais son avenir dépend de la capacité de Paris de s’entendre avec Bruxelles pour sortir de l’impasse. L’objectif serait de passer d’un régime de concession à un régime d’autorisation, pour cela, le pragmatique patron d’EDF serait prêt à quelques compromis.
En revanche, l’éolien et le photovoltaïque sont relégués au deuxième rang. Le PDG a simplement rappelé qu’EDF « tiendra ses engagements » pour la construction des parcs dans lesquels il est engagé. Quant à la suite ? Les rumeurs de cession, un temps éteintes par son prédécesseur, reviennent de plus belle concernant des actifs dans l’éolien et le solaire, et aussi Dalkia, qui gère notamment des réseaux de chaleur, un dossier très cher à François Bayrou. Les rumeurs de cession de Dalkia, un des serpents de mer du secteur, ont été démenties par les intéressés. Pour le moment.
L’autre défi d’EDF concerne la demande d’électricité, au même niveau qu’en 2023, et la baisse des prix. Même si le groupe estime qu’ils devraient remonter pour se rapprocher de la barre des 70 euros à moyen terme. De quoi inciter ses clients professionnels à signer de nouveaux contrats. Il en compte près de 12 000 d’une durée de quatre à cinq ans. Du côté des grands électro-intensifs, deux contrats d’allocation de production nucléaire (CAPN) ont été signés et douze lettres d’intentions pour 16 TWh. Le sujet, hautement sensible, avait précipité la chute du prédécesseur de Bernard Fontana, Luc Rémont. François Bayrou, dans la présentation des grandes orientations du budget 2026, avait fixé un nouvel objectif de 30 TWh (contre 40 auparavant) d’ici à la fin de l’année pour ces CAPN. EDF est donc à mi-chemin du succès.
D’ici là, il lui faut aussi continuer à dégager des résultats positifs pour préparer l’avenir. Au premier semestre, son chiffre d’affaires est quasi stable à 59,4 milliards d’euros, quand le résultat net recule de 25 % à 5,6 milliards d’euros, en raison de la baisse des prix de marché. Enfin, le groupe poursuit sa politique de désendettement, avec une dette en baisse de 4,4 milliards d’euros par rapport à fin 2024, ramenée à 50 milliards. E. B.